La performance organisationnelle caractérise la capacité de l’entreprise à atteindre ses Buts & Objectifs.

Elle est la résultante de la combinaison des capacités organisationnelles de l’entreprise. Ainsi, une entreprise sera organisationnellement performante ou sur-performante si elle atteint ou dépasse ses buts ; et elle sera sous-performante si elle ne les atteint pas. La performance organisationnelle est donc relative et mesurée à l’aune des Buts & Objectifs.

Les approches traditionnelles de la performance, utiles mais limitées

De façon schématique, nombre d’approches qualifiées de « performance » reposent sur la combinaison :

  • d’une vision des Buts & Objectifs de l’entreprise centrée sur le profit et la rentabilité, ainsi que Milton Friedman l’a exprimé : « Il y a une et une seule responsabilité en affaires : utiliser ses ressources financières pour engager des activités destinées à accroître ses profits » ;
  • avec une approche analytique, le plus souvent focalisée sur une des composantes organisationnelles telles que processus ou structure.

L’Arbre ou Pyramide de Dupont

L’emblématique Arbre (ou Pyramide) de Dupont décompose la rentabilité des capitaux investis en composantes élémentaires avec l’objectif d’optimiser la performance économique de chacune de ces composantes. L’efficacité de ce type d’approches n’est plus à démontrer… au regard des objectifs de résultats financiers à court terme. Ce qui n’est pas négligeable puisque c’est, dans la plupart des cas, la condition sine qua non d’existence de l’organisation.

Une première limite de ces approches se rencontre dès que nous étendons la composante Buts & Objectifs au-delà de la génération de profit à court terme.

Le Tableau de bord équilibré ou prospectif (Balanced Scorecard)

Les produits ou services ont des cycles de vie de plus en plus courts. L’entreprise doit alors développer et financer des capacités d’innovation qui vont lui permettre d’adapter constamment son offre afin de préserver ou accroître ses profits futurs. Ces capacités d’innovation sont une charge financière immédiate qui pèse sur les profits à court terme. Leur performance réelle ne se traduira qu’ultérieurement en termes de profit.

« Entreprendre, c’est accepter des coûts certains et immédiats pour des revenus futurs et incertains. »

L’organisation doit aussi être capable de se transformer pour s’adapter aux évolutions plus ou moins rapides (crises, disruptions, évolutions tendancielles) des trois autres composantes du Système organisationnel : changement de stratégie, évolutions de l’Environnement général ou changement majeur dans la composante Humaine (ex. : passage de relais entre un fondateur, actionnaire majoritaire, et un nouveau dirigeant salarié, venant de l’extérieur).

Les approches de type Tableau de bord (balanced scorecard) sont venues pour assister les managers à dépasser la limite des seuls indicateurs financiers. Ils constituent un outil de pilotage de leur activité, en particulier pour aider à la cohérence entre les actions quotidiennes et le développement à long terme de l’entreprise. Il est intéressant de noter que les développements de cette approche introduisent les notions d’interactions et d’équilibres entre les composantes de performance inscrites dans ces Tableaux de bord.

En revanche, la mise en œuvre est souvent victime d’une logique strictement analytique qui conduit à la décomposition en une cascade d’indicateurs clés de performance (cf. KPI : Key Performance Indicator). Ces derniers prennent d’autant plus leur vie propre et indépendante qu’ils se transforment en objectifs de performance générateurs de primes et bonus de rémunération individuels. Les exemples ne manquent pas où l’impératif d’avoir son tableau de bord « au vert » conduit par aveuglement ou par intérêt délibéré à des décisions et actions contre-productives.

Le Lean Six-Sigma

Mentionnons enfin les approches Lean Six-Sigma auxquelles se résument parfois les démarches de performance en oubliant que, par construction, elles ne s’appliquent qu’à des processus stables, prévisibles et répétitifs. Si ceux-ci sont nombreux, cette approche trouve rapidement ses limites dans des domaines où l’expérimentation et l’agilité sont essentielles pour répondre aux besoins.      

Notre propos n’est ni de faire un catalogue de toutes les approches permettant de rendre une organisation plus performante ni d’affirmer qu’elles sont obsolètes. Nous souhaitons seulement souligner ici que :

  • Chaque approche repose sur des postulats de base, conditions d’application et modalités de mise en œuvre qu’il est fondamental de connaître afin de les employer à bon escient.
  • La plupart des approches organisationnelles existantes à ce jour ont été conçues pour des environnements relativement stables et prévisibles, dans lesquelles prédominent les liens de causalité linéaire et avec un objectif relativement univoque de profit économique. Dès lors que le système organisationnel considéré répond à ces caractéristiques, ces approches essentiellement de type analytique sont efficaces.
  • En revanche, elles n’apportent pas les résultats attendus dès que ces conditions ne sont plus remplies, voire elles amplifient les problèmes comme le démontrent les taux d’échec élevés des projets complexes tels que, entre autres, les projets de transformation.
  • Elles ne vont pas pour autant disparaître car leur utilité reste pleine et entière dans le cadre et les objectifs qui leur sont propres. Le défi pour l’organisateur est bien plutôt d’assurer leur bon emploi et leur bonne cohabitation.

L’approche systémique de la performance organisationnelle, pour aller au-delà de la seule performance économique à court terme

Aujourd’hui, et sans doute plus encore demain, les enjeux de responsabilité sociétale des entreprises viennent se combiner au but unique et légitime de l’entreprise : la profitabilité. Ils peuvent même venir menacer l’existence de toute entreprise profitable.

Les approches traditionnelles de performance organisationnelle ne les intègrent pas ou mal. La réponse la plus courante est d’additionner des plans d’action, objectifs et indicateurs de performance RSE à l’ensemble des plans d’action, objectifs et indicateurs déjà existants. Il en résulte :

  • une complexification de la situation de l’entreprise, des dirigeants aux simples collaborateur : ils font alors face à des injonctions paradoxales les enjoignant d’atteindre des objectifs difficilement conciliables, voire antagonistes ;
  • une inadéquation des outils traditionnels de gestion qui, par leurs fondements analytiques, ne les aident pas à faire face aux dilemmes ainsi créés, voire les en empêchent.

La bonne nouvelle est que l’approche systémique est un levier efficace pour traiter au mieux ces situations. Une première difficulté consiste à devoir abandonner l’idée qu’une organisation est une mécanique prévisible et pilotable par un simple jeu de fixation d’objectifs cascadés à tous les niveaux et d’instructions d’exécution préétablies. La seconde idée à laquelle il convient de renoncer est qu’en ce domaine « 2 + 2 = 4 ». Nous proposons d’évaluer la performance organisationnelle au regard des capacités organisationnelles de l’entreprise à :

  • Délivrer une offre de produits ou services répondant aux besoins de ses clients et, de plus en plus, aux attentes de ses autres parties prenantes, avec le niveau d’exigence fixé par les buts et objectifs à court terme.
  • Innover afin d’adapter son offre de produits ou services aux évolutions des attentes de ses clients, assurant ainsi la pérennité de l’organisation (si cela fait partie des buts et objectifs).
  • Se transformer afin d’être capable de délivrer ses nouvelles offres de produits ou services et de s’adapter aux évolutions de son environnement et des attentes de ses parties prenantes.

La capacité organisationnelle de « diriger », au sens de capacité à anticiper, orienter, décider ainsi qu’à mobiliser, organiser et piloter les ressources, est transverse à et inclue au sein de chacune de ces capacités.

Une première approche – systémique – peut s’appuyer sur notre Matrice de performance organisationnelle :

Ce cadre met en exergue la dimension holistique de la performance organisationnelle : celle-ci est la résultante globale de multiples composantes indissociables et en interactions.

Il n’est clairement pas envisageable d’un point de vue pratique d’appliquer ici une démarche analytique cherchant l’exhaustivité et le détail. Nous devons procéder selon le principe énoncé par Paul Valéry : « Le simple est toujours faux ; ce qui ne l’est pas est inutilisable. », et recourir aux principes différenciant l’approche systémique de l’approche analytique :

  • Principe de pertinence (plutôt que d’exhaustivité). Nous rechercherons les éléments, composantes et interactions, qui semblent influer le plus significativement sur l’obtention des buts et objectifs attendus et nous nous concentrerons sur ceux-ci, en travaillant aux niveaux de granularité qui nous paraissent eux aussi pertinents.
  • Principe de finalité (plutôt que de causalité). Nous nous concentrerons sur la dynamique à créer pour obtenir les buts et objectifs attendus plutôt que d’approfondir la cause des dysfonctionnements
  • Principe d’imprévisibilité. Renoncer aux programmes d’action aux livrables mûrement détaillés et planifiés, au bénéfice d’approches agiles où les actions sont organisées dans des logiques de prototype ou de Produit minimum viable (PMV). Elles permettent de tester les hypothèses d’action, et de les confirmer ou corriger en conséquence. La progression s’effectue par une succession d’itérations : But è Hypothèses d’action è Expérimentation è Constats è Nouvelle itération. Il ne faut pas les confondre avec la logique des projets « pilotes » qui repose sur l’hypothèse de reproductibilité du « pilote » et ne laisse pas de place aux expérimentations itératives dans leur phase de déploiement.

A ces principes systémiques, nous souhaitons ajouter les principes organisationnels suivants : principe d’imperfection, principe de cohérence suffisante et principe de non-maximisation.

L’imperfection, facteur de performance organisationnelle

Accepter ce principe d’imperfection est essentiel. En effet, une organisation est par nature dynamique, instable, en recherche permanente d’équilibres pour répondre à des impératifs multiples, quelquefois incompatibles. Au sein du Système organisationnel, la cohérence des composantes et de leurs interactions ne peut être parfaite et leurs équilibres durablement stables. Il s’agit donc de rechercher un niveau de cohérence suffisante, ce qui rejoint le principe systémique de rechercher le bon niveau de pertinence et non la perfection du détail.

La recherche d’équilibres entre les différentes dimensions de la matrice conduit au principe de non-maximisation. A l’exception de rares situations, privilégier à outrance une des dimensions, par exemple le court terme ou le juste-à-temps, produit souvent des déséquilibres qui se transforment en fragilités soit au fil du temps, soit à l’occasion de circonstances particulières.

Ainsi le Produit minimum viable réunit tous ces principes, car il est :

  • imparfait : principe d’imperfection ;
  • incomplet : principe de non-maximisation ;
  • testé très rapidement : principe de cohérence suffisante entre temps de mise à disposition et niveau de satisfaction client.

@Afope